Clin d'o




Ici, l'unique ressource en eau naturellement disponible à l'homme est à la surface du sol : fleuve (Ouémé), mares et marigots. En dehors de leur facilité d'accès, ces eaux ne présentent que peu d'avantages : elles sont souvent de mauvaise qualité sanitaire et s'amenuisent en période sèche.

Dans le département des Collines, au centre du Bénin on retrouve au dessus de quelques mètres de sol tropical, des granites et gneiss du pré-cambrien. Dans ce contexte géologique, l'eau souterraine ne peut pas occuper la roche en elle-même (porosité primaire nulle), mais uniquement les fractures (porosité secondaire).
L'eau souterraine, à l'inverse des eaux de surface, est le plus souvent naturellement potable. Son principal inconvénient toutefois est par nature, d'être souterraine....


On peut cependant y accéder en creusant un puits "traditionnel" (comme ci-dessus), à savoir de fort diamètre, creusé à la pioche. L'inconvénient, c'est que l'on dépasse vite la couche meuble de sol latéritique pour atteindre le socle massif, à quelques mètre sous terre. On tente alors de le défier sur quelques mètres, puis l'on abandonne en déclarant le puits sec. Malheureusement pour ces villageois courageux, l'eau ne se retrouve que dans les fractures humides, qui ne se rencontrent rarement avant 30 mètres de profondeur! Le puits servira au mieux de réservoir pendant la saison des pluies, durant laquelle il sera rempli d'une eau turbide riches en bactéries de tout genres.



D'où la nécessité de faire appel à une foreuse (machine ci-dessus), de préférence après avoir fait une étude hydrogéologique, ce qui permettra normalement d'améliorer le taux de succès. Cette étape préalable consiste, dans ce contexte géologique, à estimer la position des fractures en observant le paysage (géomorphologie), les images aériennes et satellites, puis la géophysique. Ceci permet de définir des zones où la probabilité de trouver de l'eau, i.e. d'intercepter des fractures humides est la plus grande. Reste à forer...

Parfois, comme celle-ci, une banque de développement finance des campagnes de forage. Plus efficace que la pioche, la foreuse permet d'atteindre en routine des profondeurs de 70m.
Lorsque l'implantation est bonne, où que la chance, où que Dieu lui même est présent...l'eau apparaît.



C'est un spectacle très émouvant de voir le village en fête, les femmes crier de joie, c'est dire ce qu'un forage devant la maison signifie pour elle en terme de souffrances épargnées. Elles courent alors pour amener des dizaines de bidons vides (photo ci-dessus). Après la liesse, ce sont souvent des scènes conflictuelles car chacune veut remplir son ou ses bidons avant l'autre (classique). Les hommes du village interviennent alors, l'air princier pour rétablir le calme mais sèment plutôt la pagaille et le chaos continue jusqu'à ce que le chef de chantier ne donne l'ordre d'arrêter le compresseur qui faisait remonter l'eau du fond du forage.



Il faudra encore pour les villageois patienter le temps qu'une pompe à motricité humaine (pas d'électricité) soit installée. N'oublions pas que nous sommes en Afrique, cela peut durer!


Des campagnes de forages ont lieux depuis longtemps, mais se concentrent (assez logiquement) dans les "agglomérations". Malgré cela, l'accès à l'eau potable est souvent difficile car la société rurale béninoise est organisée en village, soigneusement dispersés dans le brousse. Ces mêmes villages sont eux mêmes constitués de "cases" dispersées. Ce qui rend la tâche compliquée.

Lorsqu'un forage est mis à disposition, il est donc à la fois utilisé par les habitants du bourg, et par ceux des environs, pour qui la journée peut commencer à 3h du matin, afin d'effectuer (à pieds) les kilomètres qui séparent le village du point d'eau. Une fois arrivé, il s'agit d'attendre son tour, et cela peut être très long (photo ci-dessous)



Et c'est bien sûr les femmes et les enfants à qui cette tâche est dévolue... Il n'est pas rare de voir un homme passer en vélo ou en mobylette, et saluer sa soeur, sa compagne où sa fille, qui elle est à pieds et porte son bidon de 25L sur la tête! Sans commentaire, et l'histoire est aussi valable pour le bois, le riz...

Et pour en savoir plus :

LIENS VERS MON RAPPORT : Evaluation du potentiel de l'imagerie spatiale ASTER comme outil supplémentaire pour l'implantation de forage en zone de socle.


3 comments:

Frédéric Poitevin said...

Bravo ! Merci !
la thèse sous-tendue derrière cette démonstration est à peine masquée ;)

Unknown said...

Le gamin dans sa bassine, il ressemble trop à Kirikou !!!

Anonymous said...

Merci pour le billet qui complète bien le rapport !
Question : pourquoi donc les indices de "surface" (NDVI, SWI..) indiquent-ils des zones favorables alors que les fractures sont situées à +30m de profondeur ?
On en rediscute à la pause café ;-)